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L'ALOA


l' Indochine


et les Hélicoptères



















Une opinion souvent répandue dans l'ALAT, et soigneusement entretenue par certains,
fait que le Colonel LEJAY ne voulait pas des hélicoptères, et qu'il sera nécessaire 
que des esprits éclairés et neufs arrivent pour retirer leurs oeillères à ces vieux artilleurs.







Page 64 de son mémoire de thèse, le Général MARTINI rapporte que, dans une note du 20/09/50,
le Colonel LEJAY écrit :
« ... A mon avis, il ne peut être question d'envisager l'emploi courant 
de l'hélicoptère dans l'artillerie au moins avant plusieurs années ... 
il n'est pas question d'utiliser le vol stationnaire pour observer ce qui déterminerait des risques excessifs ... 
Sans doute les inconvénients de l'hélicoptère s'atténueront-ils dans l'avenir. Cet avis ne concerne
bien entendu que le cas de l'artillerie et il n'est pas question de prétendre qu'il ne soit pas justifié
de prévoir l'utilisation immédiate de l'hélicoptère pour d'autres besoins militaires ... »
Par ailleurs, le Colonel LEJAY écrit également, fin 1952 : « ... dans toutes les circonstances où j'ai eu à le faire,
je me suis opposé au principe de l'affectation d'hélicoptères à l'Aviation d'Artillerie,
position concernant bien entendu, le seul domaine de l'artillerie, et l'état actuel des matériels ... »
cependant il précise
« ... il est logique, et sans doute inévitable, de développer les diverses branches de la technique aérienne
intéressant l'armée de terre à partir de l'ALOA et sous le contrôle effectif du commandant de celle-ci ...* »



Ceci permet au Général MARTINI, toujours page 64, le même thème étant repris page 100, de tirer la conclusion :
« ... On peut voir dans cette position un manque de vision prospective. En fait, Lejay est un artilleur.
Ses combats les plus rudes il les aura menés pour défendre la composante aérienne de son arme ... »



Faisons ici une petite parenthèse pour dire, d'une part qu'il semble que, pour le Général MARTINI,
être artilleur soit une tare, mais surtout que si l'ALOA, seule composante verticale de l'armée de terre,
n'avait, à ce moment, pas existé, c'est vraiment là que l'armée de terre aurait pris au moins dix ans de retard,
car les hélicoptères auraient été «bouffés» par l'armée de l'air, et aucun personnage illustre n'aurait,
dans ce cas, pu faire « une découverte et une invention ».






Si l'on examine de près les propos du Colonel LEJAY, on voit qu'effectivement il mentionne avant tout l'artillerie,
car telle était sa
mission : l'observation d'artillerie, depuis août 1945, bien avant le décret du 3 mars 1952,
de même qu'après. Il ne peut en sortir, tout au moins dans ses avis officiels.


Car si l'on s'intéresse à l'histoire du CPOA, jusqu'à présent complètement escamotée,
on s'apercevra des très nombreuses missions des LEJAY, NAVELET, DELAINE, BERTHELOT, etc,
auprès des unités de l'Army Aviation américaine et de l'Aviation d'Artillerie britannique. 
Et pour toute l'équipe du CPOA, l'ALAT américaine, avec ses avions de différents types, ses hélicoptères,
était l'exemple à suivre. Ce qui ne l'empêchait de juger, avec l'ALAT anglaise, que l'hélicoptère
n'était pas l'engin idéal de réglage d'artillerie (voir l'Aviation Légère d'Artillerie dans l'Armée Britannique –
Notes d'Information du CPOA n°5 – 1951 Les choses commencent à bouger)





D'autre part, il y a une différence certaine dans ce qu'écrit le Colonel LEJAY entre 1950 et 1952 où il dit
« ... et l'état actuel des matériels ... ».
Ceci est très significatif, car, à ce moment, aucun hélicoptère léger n'est capable de remplacer 
l'avion d'observation d'artillerie. Seul le Djinn, quand il paraitra, bien plus tard, - appareil simple et rustique
avec ses accélérations et ses coups d'ascenseur et malheureusement de gros défauts –
fera un hélicoptère d'artillerie acceptable. Et d'ailleurs, par la suite, en Algérie, alors qu'existaient
les pelotons mixtes, a-t-on fait le moindre réglage d'une batterie à partir d'un Bell ou d'une Alouette ?


Et le Général MARTINI ne tient aucun compte de la dernière phrase citée du Colonel LEJAY :
« ... il est logique, et sans doute inévitable, de développer les diverses branches de la technique aérienne
intéressant l'armée de terre à partir de l'ALOA et sous le contrôle effectif du commandant de celle-ci ... »
.
Le « sans doute » doit être pris là, non pas dans son sens dubitatif, mais dans son sens originel : 
sans
aucun doute.
Ce qui veut bien dire que le Colonel LEJAY a une toute autre idée en tête que celle que lui prête le Général MARTINI.



Car il est un critère que l'on ne voit plus, et que peu ont vu, c'est que cette équipe du CPOA
est constituée d'officiers ayant une double formation : ce sont d'abord pratiquement tous des ingénieurs,
qui de l'X, qui de Centrale, qui des Arts et Métiers, puis des militaires qui ont connu les problèmes réèls du terrain.
N'oublions pas, par exemple, que le Colonel LEJAY a dirigé l'observation de la 4° DMM en Italie.
Et cette formation leur a donné un esprit méthodique, rationnel : on résoud les problèmes l'un après l'autre,
en les ayant d'abord posés dans toutes leurs dimensions, on avance pas à pas,
on n'élucubre pas dans toutes les directions, mais tout ceci n'empêche pas de
« ... voir loin, très loin ... »
ainsi que l'enseignait le Général ESTIENNE, leur maître à penser et leur exemple.







Continuons à examiner les documents écrits par le Colonel LEJAY à cette époque.
Dans sa lettre d'accompagnement, en date du19 août1952, au rapport de mission
du Commandant BERTHELOT sur l'ALOA d'Indochine (voir 1952 l'année charnière) il écrit :
« ... Il est certainement naturel, et très désirable, d'admettre le principe d'une extension ultérieure
de l'Aviation d'Artillerie à l'ensemble des besoins divers de l'Armée de Terre dans le domaine de l'avion léger.
Mais il faut se garder de vouloir le faire passer en application avec une hâte excessive, surtout lorsque
se trouvent en jeu des intérêts aussi pressants que ceux du théatre d'Extrême-Orient, où,
de surcroît, une orientation défectueuse en matière d'Aviation Légère a compliqué la situation 
en créant des charges nettement disproportionnées aux besoins... »


Encore et toujours, une chose après l'autre, sérions les problèmes et résolvons les un par un.


Il est évident que le Colonel LEJAY voyait là bien au delà de la simple observation d'artillerie.
Mais former à la fois des pilotes et des mécaniciens pour les avions et les hélicoptères
– ce qui ne sera décidé pour ces derniers qu'une bonne année plus tard – tenait de l'impossible. 
Et nous verrons plus loin que le nombre de pilotes hélicos formés sera réduit
à ce que les deux écoles civiles françaises pouvaient instruire, et que, d'un autre côté,
les appareils disponibles étaient, eux aussi, en nombre qui n'avait rien à voir avec les phantasmes de certains.








Il est tout à fait probable que le Colonel LEJAY a, dans ce dernier semestre 1952,
non pas changé d'opinion quant à l'utilisation de l'hélicoptère pour l'observation d'artillerie,
mais senti une évolution radicale à certains très hauts niveaux, à la fois de l'armée et ministériels,
pour une rapide transformation de l'ALOA en une Aviation de l'Armée de Terre.
L'influence du Commandant RAZY, bien connu pour être, à cette époque, un chaud partisan 
des hélicoptères,a pu être aussi très importante. Et la décision du Secrétaire d'Etat à la Guerre
de faire releverles aviateurs par la Terre sans rien changer d'autre (voir 1952 et 1953 en Indochine)
a, en réalité, suivi les propositions du Commandant de l'ALOA (voir 1952 l'année charnière –
Critiques et propositions de l'ALOA – Fiche de propositions relatives à la prise en charge par 
l'Artillerie des GAOA d'Indochine) entérinant, de fait, cette mutation essentielle.





Comment peut-on comprendre, en effet, que dès janvier 1953, au moment même où arrivent à Saïgon
les premiers observateurs-pilotes et pilotes de l'ALOA destinés à relever les gens de l'Armée de l'Air,
3 officiers de cette ALOA naissante, les Capitaine PETITJEAN, Lieutenants de JERPHANION et de MARQUE, 
commencent chez FENWICK le premier stage de pilote d'hélicoptère de l'Armée de Terre ?


Comment comprendre cela, alors que l'on manque cruellement de personnel pour cette relève en Indochine,
si ce n'est par une décision du Colonel LEJAY qui voit beaucoup plus loin que d'aucuns ne l'écrivent ?



On trouve confirmation de tout ceci dans la lettre du Commandant PEZET du 6 mai 1953 (voir Correspondance 53-54) :
« ...... 8°) Hélicoptères – Petitjean, de Marque et de Jerphanion sont brevetés pilotes, et finissent actuellement 
leur stage. Il doit s'en faire d'autres. Pas encore très fixé sur l'intégration de ces ailes tournantes à l'ALOA.
Le Colonel va certainement vous répondre de façon plus complète.

Note - Une note arrive au courrier de ce soir demandant des propositions à ce sujet. Il est question de créer
 un centre d'entrainement avec 7 hélicoptères, qui serait au CPOA ou annexé à un GAOA, en attendant une extension future.
PS – Le 11 mai – Le Colonel a été convoqué d'urgence à Paris pour la question ci-dessus et est parti hier ..... »

                       

                       La lettre du 15 juillet 1953 du même renforce ce raisonnement :

« ..... Un certain nombre de questions, comme celle des hélicoptères, me dépasse un peu ..... Cette question nous
 enfonce encore une épine suplémentaire dans le pied, car les pilotes du premier stage doivent
 être pris dans l'ALOA dont les moyens ne sont toujours pas à la hauteur de ce qu'on s'obstine à lui demander ..... »

                        Et, dans la même lettre, le Commandant PEZET d'ajouter :

« ..... J'ai vu comme vous que l'on prenait désormais dans l'ALOA des officiers de toutes armes. Ça n'émeut pas
le Colonel qui voit là une amorce de l'extension vers un plus large domaine ..... »


S'il ne s'agit pas là de « vision prospective » de la part du Colonel LEJAY, peut-être peut-on penser qu'il s'agit de phantasmes ?....





Cependant, l'ALOA ne s'arrête pas à la formation de quelques pilotes d'hélicoptère.

                                              Dans sa lettre du 20 juillet 1953, le Colonel LEJAY précise à mon père :


« ..... Pour les hélicoptères, c'est la bouteille à l'encre, et les projets s'accumulent, venant de directions diverses.
Beaucoup trop de monde s'intéresse à cette affaire spectaculaire, et souvent sans la moindre connaissance
pratique des limites et des servitudes écrasantes de cette technique séduisante, certes, mais terriblement exigeante.

Je viens tout de même d'être chargé de l'exécution d'un programme précis d'instruction, correspondant
aux réalisations effectivement attendues en Indochine pour la fin de cette année et l'année prochaine.
Vous devez être au courant. C'est déjà une très grosse affaire et j'ai quelques inqiétudes sur les résultats pratiques
d'une opération menée trop vite, parce qu'un fois de plus, prise en retard ..... »


Et le Colonel d'ajouter un peu plus loin : « ..... et je suis très loin d' être au courant de tout .... »
Ce qui signifie qu'il s'attend à quelques ''coups fourrés'' qui, manifestement, ont déjà eu lieu,
car tout se passe pratiquement en même temps à cette époque de 1953.




En effet :

En juin 1953, le Colonel LEJAY, comme on vient de le voir, est chargé de la formation
des pilotes d'hélicoptères de l'armée de terre, dont le principal pour l'Indochine.

Il confie cette tâche au Commandant RAZY, son adjoint à Paris, qui est en prise directe avec l'Etat-Major, 
les ministères et les deux centres de formation civils FENWICK et HÉLICOP'AIR.

Les hélicoptères d'Indochine doivent faire partie de l'ALOA.
Le Commandant RAZY écrit à mon père, dans sa lettre du 10 août 1953 :

« ... 13°) Le Colonel a été chargé d'organiser la formation des pilotes d'hélicoptères, soit 6 pour janvier 54,
puis 15 et 15. Tout irait bien si nous avions ici des S 55, mais la seule solution était de les prendre
sur le PAM Indochine et de les faire venir en France. Il paraît que l'Indochine n'est pas d'accord.
Je talonne la DAM et la France d'Outre-Mer mais je n'ai encore aucune réponse favorable.
Sans S 55,
il ne saurait être question pour vous d'avoir les pilotes demandés*
ils seront juste bons à piloter des Bell ou des Hiller légers et ne pourront être transformés sur S 55 en Indochine...»

Un peu auparavant, ce que le Commandant RAZY ne pouvait savoir, mon père apprend qu'un certain Commandant
ou Lieutenant-Colonel LECUYER doit prendre le commandement des hélicoptères en Indochine
et le signale au Colonel LEJAY. Toujours dans sa lettre du 15 juillet 1953, le Commandant PEZET lui répond :

« ..... Le Colonel n'a pas entendu parler du Cdt Lécuyer destiné dites-vous à prendre le commandement des hélicoptères ..... »






Manifestement, c'est à cette époque que seront prises, au niveau ministériel et état-major général,
les décisions de désigner au commandement des hélicoptères de l'armée de terre en Indochine
deux officiers sans aucune connaissance ni bagage aéronautique : le Capitaine CRESPIN,
du cabinet du Ministre, qui fera dans l'ALAT la carrière que l'on connait,
et le Lieutenant- Colonel LECUYER que l'on retrouvera en 1955-56 adjoint, 
avec le Lieutenant-Colonel d'ARNAUDY, au Général LEJAY, puis au Général REDON,
et disparaîtra de l'ALAT. Son rôle d'adjoint ''Terre'' au Lieutenant-Colonel de l'Air
commandant la 65° Escadre d'Hélicoptères est juste évoqué, sans le nommer,
par le Colonel SANTINI dans le
« Colloque sur les Hélicoptères 1987 », page 451,
quant au Colonel PUY-MONTBRUN il ne l'évoque nullement dans ses
« SOUVENIRS » parus dans BBM 100.






Pourquoi ces désignations en dehors de la sphère de l'ALOA et sans que celle-ci fut consultée ?
On peut penser qu'il s'agissait justement de contrer l'action et l'énergie que mettait le Colonel LEJAY 
à mettre en place les choses les unes après les autres et donc en premier lieu l'ALOA, 
même si, dans le même temps, on lui confiait la formation des pilotes et des mécaniciens indispensables 
à ces deux nouveaux arrivants qui, sans cela, eussent été tout à fait incapables de résoudre ce problème.




Dans sa ''Fiche'' du 1er septembre 1953, le Commandant BERTHELOT écrit :

« ..... c) Hélicoptères. Le Commandement en veut maintenant 100 fin 1954 (30 légers - 72 moyens).
A mon sens c'est impossible et risque de conduire l'ensemble à la catastrophe,
puisqu'on prélève sur l'ALOA pour les hélicoptères ..... »
On voit qu'il s'agit là du « Plan 100 » du Général NAVARRE .....


Dans une lettre du 21 septembre, le Commandant PEZET lui répond :

« ..... Vous trouverez aussi quelques documents sur les hélicoptères
(nous partageons ici absolument votre point de vue sur la question) .....


Lettre du Commandant RAZY du 25 septembre :

« ..... c) Je suis en ce moment en plein dans le programme E.O. des hélicoptères,
je vous envoie les dernières prévisions sur lesquelles je travaille.
Je les considère comme un programme précis, limité et
 qui seul est à prendre en considération à notre échelon.
 Nous ne pourrons d'ailleurs pas le réaliser* car les civils ne peuvent absorber
le nombre d'élèves prévus et par ailleurs le matériel S 55 manque totalement.
Toute autre extension du programme exigerait soit de prendre des mesures en dehors de l'ALOA,
 soit de lui donner des moyens supplémentaires.























J'avais d'ailleurs écrit dans ma réponse au Colonel PUY-MONTBRUN 
« A PROPOS DES FORCES AEROTERRESTRES » voir BBM 98, en reprenant 
une indication du Général LEJAY dans
« Le conflit de la petite aviation » la phrase suivante :
« .....les premiers de ces spécialistes (au total 66 pilotes et 153 mécaniciens contre 60 et 111 à l'Air)
sont dirigés sur l'Extrême-Orient en septembre 1953 ..... ».
En réalité, les premiers pilotes
arriveront en janvier 1954, et, à juste raison, Jean GOURMELEN, Brevet Hélicoptère n°38,
me fera remarquer que, début août 54, seuls 33 pilotes auront rejoint l'Indochine,
ce qui correspond aux prévisions du CE RAZY, le total général pour 1954
étant confirmé par le Colonel SANTINI (voir plus loin).




16 octobre 1953, lettre du Commandant BERTHELOT au Commandant RAZY :

« ..... 3) Je ne connais plus les hélicoptères que par des rumeurs. Les projets seraient grandioses :
on parle de 150 en ligne en 1954 ( ??? sous toutes réserves) ..... »

C'est à ce moment que l'Armée de l'Air recommence à s'intéresser aux hélicoptères et 
que les choses échappent complètement à l'ALOA, sauf pour ce qui est,bien entendu,
de la formation des pilotes et mécaniciens pour que d'autres tirent les marrons du feu.




27 octobre 1953, les mêmes :

« ..... 6)- J'avais, vers la même époque, parlé du Cdt LECUYER, (maintenant Lt-Cl),
comme prévu pour prendre le cdt des hélicoptères en Indochine ;
le CPOA en ignorait tout paraît-il. Je crois qu'il va arriver prochainement.
Je suis curieux de voir comment va s'embringuer cette affaire là ..... »



Lettre du Commandant PEZET du 4 décembre 1954 :

« ..... Les hélicoptères font fureur. Il ne manque que les ..... hélicoptères ..... »


Lettre du Colonel LEJAY au Commandant BERTHELOT du 13 janvier 1954 :

« ..... Nous vivons au jour le jour, d'expédients trop souvent, au milieu de projets grandioses mais nébuleux.
En particulier, la question des hélicoptères serait du meilleur Courteline,
si l'on avait le coeur à plaisanter de sujet aussi graves ..... »
Une allusion directe aux ''Plan BEAUFRE'' et ''NAVARRE''.




Commandant BERTHELOT au Commandant RAZY, 21 février 1954 :

« ..... Etes-vous en relation avec les gens des hélicoptères ? Ils commencent à voir les difficultés
 qu'il y a à ronger le même os que l'Armée de l'Air. Ils sont, par ailleurs, très nettement d'une autre venue que nous.
 Vous savez que Crespin est chef de l'Elément de Commandement ? Le Lt-Cl Lecuyer est dans le coup,
de manière non précisée à ma connaissance ..... »



Réponse du Commandant RAZY, 28 février 1954 :
« ..... Gouraud
(Colonel à l'EMA) ne veut à aucun prix me lâcher car je suis devenu pour l'EMA
 le spécialiste ... hélicoptère. J'ai la charge de former tous les spécialistes pilotes et méca,
avec les boites civiles pour l'instant, et surtout de participer à toutes les élucubrations sur la question
depuis l'Echelon Défense Nationale. Lescuyer et Crespin s'étaient introduits dans cette affaire
il
y a longtemps mais ne sont pas encore très compétents.....

..... Comme je vous l'ai dit et pour répondre à votre PS, je suis en plein dans le bain hélicoptère.
Crespin ou Lescuyer pourront vous donner des détails. (Au début d'ailleurs je m'étais violemment contré avec eux.)


J'organise cette affaire sur le plan Métropole c'est à dire : Formation de personnels,

création de centre Instruction militaire, Unité de soutien métro pour relève de personnel E.O., etc...

et surtout je m'évertue à ce que l'on ne considère pas d'un côté les Héli, de l'autre les avions

(ALOA pour l'instant) mais que tout ceci représente l'Aviation de l'Armée dans laquelle seule existe
à l'heure actuelle, avec quelque expérience, l'ALOA. Le Cmdt, ici, est très nettement pour moi
 et je peux obtenir beaucoup ..... »





En mai 1954, le Commandant RAZY va être chargé par l'EMA, en plus de sa tâche d'adjoint faisant fonction 
de Chef d'Etat-Major du Colonel LEJAY, du commandement et de la mise sur pied du GH 1
destiné principalement à la formation des pilotes d'hélicoptères. Le 28 mai 1954, le Capitaine COFFRAND,
en poste auprès du Commandant RAZY, écrit au Lieutenant-Colonel LUTHEREAU, qui vient de prendre
le commandement de l'ALOA en Indochine :
« ...Le Commandant RAZY s'excuse de ne pas avoir encore 
répondu à vos lettres. Pour lui alléger le travail, l'EMA lui a donné le Commandement du Groupement 
d'hélicoptères N° 1, nouvellement créé à Versailles. Bien entendu, les officiers et sous-officiers prévus
pour l'administration, l'encadrement .... rejoindront plus tard...»










Que vont devenir les personnels officiers et sous-officiers formés par l'ALOA comme pilotes d'hélicoptères
et mis sous les ordres du Lieutenant-Colonel LECUYER et du Capitaine CRESPIN ?





Voici tout d'abord ce qu'en dit le Général LEJAY en 1956 :
« ..... En application des décisions prises par l'EMFA, les personnels du GFHATI sont mis à la disposition
du Commandement de l'Air en Extrême-Orient ; la 65° Escadre mixte est créée.
Les personnels de la Terre sont volontairement peu utilisés par le Commandement Air qui s'efforce de les éliminer ..... »

Ceci est un raccourci explicite.




De son côté, le Colonel SANTINI, de l'Armée de l'Air, dans « Colloque sur les Hélicoptères 1987 »,
page 451 et suivantes relate :

« ..... Au début de l'année 1953, une note de l'Etat-Major de l'armée de l'Air me désignait 
en qualité d'Inspecteur des Sections d'Hélicoptères d'Indochine et responsable de l'instruction 
opérationnelle des pilotes ainsi que de l'emploi des appareils en Extrême-Orient ..... »

« ..... à la fin de décembre 1953, le premier pilote d'hélicoptère de l'ALAT formé par Hélicop-Air
rejoignit Saïgon. Cet officier pilote (le capitaine Crespin) fut pris en compte sur le plan 
de l'instruction opérationnelle par la section hélicoptère de l'ELA 52 et effectua son premier vol 
en Indochine, sous mon contrôle, le 20 janvier 1954 .....

..... En 1954, les pilotes de l'armée de Terre formés en métropole et affectés en Indochine
étaient pris en compte pour leur instruction opérationnelle par les deux sections hélicoptères
des ELA 52 et 53. Au début de la nouvelle année, fut créée la 65ème escadre d'hélicoptères, 
commandée par un lieutenant-colonel de l'armée de l'Air avec un lieutenant-colonel de
l'armée de Terre comme adjoint. A la fin de 1954, les effectifs des pilotes de l'armée de l'Air 
et de l'armée de Terre étaient les suivants :

11 officiers pilotes Air,
18 sous-officiers pilotes Air,
19 officiers pilotes Terre,
18 sous-officiers pilotesTerre,

soit au total 29 officiers pilotes et 37 sous-officiers pilotes.

En ce qui concerne les officiers pilotes de l'ALAT, il y a lieu de noter que ce personnel 
avait été recruté en général parmi les jeunes officiers saint-cyriens tandis que le personnel 
officier pilote de l'Air était ancien et d'origine diverse.

Dès le cessez-le-feu en Indochine, la 65ème escadre a poursuivi l'instruction des pilotes
et assuré le transport de la Commission internationale du cessez-le-feu sur ce théatre d'opérations ..... »









Comme on peut le voir dans les propos du Colonel SANTINI, qui ignore tout du GFHATI,
le personnel Terre Hélicoptère était entièrement inféodé à l'Armée de l'Air.
On ne peut suspecter SANTINI d'un quelconque ressentiment vis à vis de la Terre,
car le Général COFFRAND, qui l'a bien connu lorsqu'il était au 22° GAOA à Tan-Son-Nhut, rapporte :

« ..... j'ai connu tout particulièrement l'intéressé en opérations en Indochine, avec son enthousiasme,
sa bravoure et aussi ses déceptions. Des photographies personnelles peuvent témoigner
de ses débuts opérationnels sur hélicoptère Hiller avec, entre autre, Valérie ANDRÉ 
(opération ''MARS du 7 au 11 mars 1951). Il était fier d'avoir effectué des missions sur Morane 500
au sein du 2° GAOA. Nous étions voisins dans la Base de TAN-SON-NHUT
et il se tournait naturellement vers nous, les ''artilleurs-observateurs'', pour parler de ses missions
et, à l'époque, de ses déceptions avec l'Armée de l'Air qui ne s'intéressait pas aux hélicoptères ..... »





Pour contrer cette mainmise sur le personnel Terre,
sera créé le Groupement des Formations de l'Armée de Terre en Indochine le 16 avril 1954
(rappelons que le GH 1 sera créé le 1er mai 1954, soit deux semaines après).
Mais il apparaît nettement que le GFHATI ne sera malheureusement qu'un rouage administratlf 
sans aucune autonomie opérationnelle, les ordres de vol étant donnés dans les ELA
par le sous-officier de l'Air le plus ancien en l'absence de son commandant ( voir BBM 88, page 13).
L'ensemble des ELA / GFHATI formera la 65° Escadre d'Hélicoptères Mixte de l'Air, 
dont la date de naissance est début 1954 d'après le Colonel SANTINI et le 14 juillet 1954 d'après le Général MARTINI.






Le GFHATI sera dissous en mars 1955 et sera envoyé en Algérie où il formera,
à dater du 29 avril 1955, le GH 2, avec des éléments du GAOA 3 et du GH 1.
Mais, pour bien démontrer l'emprise de l'Armée de l'Air sur tout ce qui est hélicoptère en Indochine, 
les personnels seuls partiront, l'Air gardant pour elle tous les appareils. Seuls des S 55, 
arrivés en caisse au port de Saïgon, seront rapatriés pour l'ALAT grâce à l'action personnelle 
du Commandant RAZY qui agira pour cela auprès des USA.


















Comme cela a déjà été souligné, le Général MARTINI, dans BBM n°88, page 11,
reproche implicitement au Commandant BERTHELOT de ne pas avoir voulu prendre en compte, 
fin 1953 les hélicoptères d'Indochine car préoccupé (comme le Colonel LEJAY)
par
« la satisfaction des besoins de l'Artillerie ».


De tout ce qui précède, on peut avoir une petite idée du ''panier de crabes'' dans lequel
se débattaient les responsables de l'ALOA : les lettres citées ne sont qu'une faible partie 
du total échangé entre les principaux responsables. Si tout ce courrier, tout à fait ''souterrain'',
nous était parvenu, il eut été encore bien plus explicite.




Pourquoi mon père n'a-t-il pas voulu prendre en charge les hélicoptères Terre ?


On crée une unité d'hélicoptères qui, primitivement prévue au sein de l'ALOA,
lui échappe complètement (à l'ALOA).


Cette unité, on le sait déjà, va être intégrée, pour emploi, au sein de l'Armée de l'Air.
Or c'est contre cela que se bat mon père à propos de l'ALOA. Il l'exprime dans sa lettre
du 1 octobre 1953 :
« ..... Mais reste à savoir si j'obtiendrai, comme c'est indispensable, 
que l'emploi passe enfin à l'Artillerie, que nous soyons enfin dégagés de l'emprise de l'Air*.
L'intention des Aviateurs est de conserver l'emploi des avions, ce que rien ne justifie
sinon les habitudes prises ..... »
Oui, je sais, il parle de l'emploi de l'ALOA à l'Artillerie,
mais c'est pour dire, quelques lignes plus bas :
« .....D'autres Artilleurs au contraire, il est vrai,
et pas des moindres, se refusent à comprendre que nous sommes chargés ici de toutes les missions ;
pour réussir, il faut cependant réussir à satisfaire tous les utilisateurs, aussi bien et mieux que précédemment ..... »
Nous allons reparler de ceci. Mais on sait ce que coûtera à mon père le fait d'exprimer son sentiment 
sur la mainmise finale de l'Air sur l'emploi de l'ALOA (voir : 1954 en Indochine).


A la tête de cette unité est nommé un lieutenant-colonel de la Terre, d'un grade supérieur au sien, 
c'est donc à cet officier que revient la gestion.


Enfin, et surtout, mon père, conscient des manoeuvres de l'Air depuis son brevet d'aérostier en 1936, 
se rend parfaitement compte que l'Air peut profiter du fait qu'elle met en oeuvre sans restriction
une unité, gérée par l'ALOA, pour dire
« l'ensemble m'appartient ». C'est bien ce qui c'est, d'ailleurs,
passé à propos des appareils.












« ..... Les priorités et les préoccupations des responsables de l'ALOA, tant en métropole qu'en Indochine,
sont donc incontestablement tournées vers la satisfaction des besoins de l'Artillerie ..... »
(Mémoire de thèse du Général MARTINI, page 100)


Une affirmation péremptoire.


Pourtant page 82, l'auteur déclare : « ..... L' aviation d'artillerie arrivée en Indochine dans la foulée
de la campagne de France comme une auxiliaire de son arme tendant cependant vers un élargissement 
de ses missions, en repartira ayant atteint une dimension interarmes ..... »


Que comprendre ? Car c'est fin 1953 que le Commandant BERTHELOT se préoccupe de 
« la satisfaction des besoins de l'artillerie » et à partir de fin août 1954 que débute
le repli des GAOA, le cessez-le-feu étant intervenu.


Une volte-face ultra-rapide !


Non, mais, pour paraphraser, nul n'est plus aveugle .....



Il suffit de relire :


le rapport DELEUZE  (1948 !!    voir Indochine, les premières années )
« ..... ces appareils (lui) rendaient des services incalculables*, qu'ils (lui) permettaitent d'assurer 
des liaisons impossibles par tout autre moyen et que le commandement ne pouvait se passer d'eux* ..... » ;


les comptes rendus du Colonel LEJAY et d'autres sur les ALAT étrangères, pour connaître leurs souhaits ;


les comptes rendus du Capitaine QUESNEL (Infos CPOA n° 3, CR de 1949)
«..... l'avion d'observation, dont la présence ou l'absence en opérations peut souvent
signifier le succès ou l'échec, doit rester organiquement et pour emploi à l'Armée de Terre* ..... »

et du Capitaine MERGAULT (Infos CPOA n° 4, CR de 1950)
« ... A l'origine observateur d'artillerie, en Indochine on pourrait dire observateur tout court*,
car les réglages de tir ne représentent pas le huitième du nombre de missions.»


le compte rendu de mission du Commandant BERTHELOT, juillet 1952, 
analysant les différentes missions des GAOA (1952 en Indochine)






Encore bien plus explicites sont les contenus des lettres des principaux acteurs de la mise en place de l'ALOA


Dans BBM 87, page 10, le Général MARTINI relate :

« ..... un projet de décret est élaboré en août 1953 qui précise « lorsqu'il s'était agi d'équiper 
quelques hélicoptères en métropole, il avait été admis que la direction des formations 
des spécialistes serait confiée au colonel commandant l'ALOA. Etant donné l'ampleur qui
va caractériser cette mission par suite de la mise en service en Indochine d'un nombre
important de ces appareils, il devient nécessaire de créer une Aviation Légère del'Armée de Terre,
englobant toutes les formations mettant en oeuvre des aéronefs et dont l'ALOA ne sera plus 
qu'une branche particulière ».
Le projet n'aura pas de suites ..... ».



Tout au moins dans l'esprit du Général MARTINI.




Lettre du 10 août 1953 du Commandant RAZY : « ..... 5°) Des décrets sont en préparation pour créer l'Aviation
de l'Armée de Terre dont l'ALOA ne sera qu'une branche et fixer les attributions de son Cdt ..... ». 

Quand on sait que, par ailleurs, le Commandant RAZY a dit :« ..... j'ai la charge .....et surtout de participer à toutes
les élucubrations ..... »
,on peut penser qu'il était au courant de beaucoup de choses répercutées
au Colonel LEJAY.


Déjà citée, la lettre du Commandant PEZET du 15 juillet 1953 : « ..... J'ai vu comme vous que l'on prenait
désormais dans l'ALOA des officiers de toutes armes. Ça n'émeut pas le Colonel qui voit là une amorce 
de l'extension vers un plus large domaine ..... »
.


Lettre du Capitaine KRAUSS du 11 août 1953 : « .....Actuellement 15 off (Lt et SsLt) dont 1 fantassin 
et 1 cavalier sont à l'instruction
(observateur) depuis huit jours ils sortiront en octobre ..... »


Déjà citée également, la lettre du Commandant BERTHELOT du 1er octobre 1953 :
« .....D'autres Artilleurs au contraire, il est vrai, et pas des moindres, se refusent à comprendre que
nous sommes chargés ici de toutes les missions ..... »
.


Lettre du Commandant BERTHELOT du 21 février 1954 : « ..... Ici je gêne .....  les Artilleurs qui trouvent cette ALOA 
trop indépendante, continuent à ne pas voir l'importance du problème technique, et préfèreraient avoir
un simple Lieutenant à l'Inspection, chargé des questions ALOA. Cela supprimerait le problème. Moi je veux bien ;
mais je suis d'avis rigoureusement contraire et je fais toutes réserves quant au résultat ..... »

Lettre déjà citée du Commandant RAZY du 28 février 1954 : « ..... et surtout je m'évertue à ce que l'on ne considère pas 
d'un côté les Héli, de l'autre les avions (ALOA pour l'instant) mais que tout ceci représente l'Aviation de l'Armée 
dans laquelle seule existe à l'heure actuelle, avec quelque expérience, l'ALOA ..... »


Lettre du Commandant BERTHELOT du 7 mars 1954 : « ..... Cette Aviation de la Terre prend-elle tournure ?
Bien sûr, c'est la solution, et ici je me considère comme un Aviateur de Terre 
(c'est bien une cause de difficultés avec l'Artillerie, d'ailleurs). Mais serez-vous capables de refouler tous les requins
qui nagent autour de cette affaire ? J'en doute ..... »


Lettre du Commandant BERTHELOT du 6 avril 1954 : « ..... Je souhaite vraiment, au plus tôt, la constitution
d'une Aviation de la Terre qui mettra en place, comme chez les USA, les éléments nécessaires
dans les formations. D'ailleurs il nous faudrait absolument ici des avions d'appui genre POTEZ 75 
dans de nombreux cas. Inutile de vous dire que cette manière de voir fait hurler les Artilleurs ..... 
Je vous envoie copie de mes propositions à cet égard ..... »




Enfin il faut terminer par le plus explicite et le plus démonstratif : la note


ALOA ! Chant des Iles !


que l'on peut relire pour s'en pénétrer et comprendre que le nom et l'esprit de l'ALAT sont là.


Tout y est :


les missions au profit de tous

le personnel inter-armes

les appareils adaptés à chaque arme

les avions « chasseurs de chars » et d'appui feu

les hélicoptères



Il n'est nul besoin de « fondements théoriques » « inventés » presque deux ans plus tard. 
Ces « fondements théoriques » existent dans la réalité du travail de tous les jours des GAOA,
et, dans la réalité, ils ont été « inventés » par toute l'équipe, par tous.



Rappelons que cette note date d'octobre 1953 (voir 1953 en Indochine)




Comme on peut s'en rendre compte, il s'agit là, véritablement, de la part du Colonel LEJAY
et de son équipe d'efforts
« incontestablement tournées vers la satisfaction des besoins de l'Artillerie* » !!!!!



Que le Général MARTINI n'ait pas eu connaissance de ces documents est peut-être possible.
Mais, comme déjà dit, c'est peu probable, ce n'est qu'une petite partie du courrier échangé 
et il doit exister ailleurs des propos similaires, en particulier dans la correspondance 
du Général LEJAY qui a dûe être remise au SHAT.



Enfin le Général MARTINI aurait dû être au courant de ce qui s'est réellement passé en Indochine
ainsi que de l'état d'esprit des acteurs. Il lui suffisait pour cela de rassembler l'avis et les souvenirs
des survivants de cette période, et il n'y en a pas beaucoup.


Mais cela n'a pas été fait.













Le Général MARTINI insistera lourdement sur les vues étriquées de ces artilleurs
qui ne voient que par leur arme : voir BBM n°88, page 11, qui reprend son mémoire
de thèse page 64 et page 100.



D'ailleurs, pour lui, la cause est entendue dés le départ :


il n'est d'ALAT qu' hélicoptères,


à commencer par l'artillerie, et depuis fort longtemps, depuis ... 1923 ...


A savoir, page 53 de son mémoire :
« ..... Plus sérieusement, dès 1920, le commandant Orthlieb dans son cours d'aéronautique
professé à l'Ecole de Guerre envisage l'utilisation d'hélicoptères pour éviter la contrainte
des terrains plats et dégagés nécessaires aux avions.....
..... Déjà les artilleurs se montrent intéressés et encouragent la poursuite des expérimentations
en espérant pouvoir doter chaque groupe d'un hélicoptère. (Revue d'artillerie, t.IX, 1/1923, p. 390) ..... »



Manifestement, les généraux, responsables de l'artillerie française, qui, de 1935 à 1939,
réclamaient des autogires, n'avaient rien compris (voir le Temps des Autogires).



De manière symptomatique, à part les relations Air-Terre dans BBM 85,
sa série d'articles commence par
« HELICOPTERES en INDOCHINE » dans BBM 87
et son début est une conclusion :

« ..... S'agissant de la France, c'est à l'occasion de la guerre d'Indochine que sont conceptualisées,
tout au long de l'année 1953 et ensuite, les théories que la fin du conflit ne permettra pas de 
concrétiser mais qui connaîtront en Algérie l'application que l'on sait.
Si la culture aéromobile de l'armée de terre s'est développée à l'occasion du conflit algérien,
ses fondements théoriques sont en germe dans les réflexions des responsables et des acteurs
de la guerre d'Indochine.
C'est ce que cet article voudrait montrer. Il concerne la période qui va de 1950, arrivée des premiers
hélicoptères en Indochine, à 1955, départ pour l'Algérie du '' Groupement des Formations d'Hélicoptères
de l'Armée de Terre en Indochine '', pour donner naissance au Groupe d'Hélicoptères n° 2 ..... »



Voilà, tout est dit : l'ALOA n'a plus rien à faire ici, exeunt les vieux artilleurs, 
l'ALAT arrive grâce à ceux qui l'ont inventée en "inventant" l'hélicoptère,
et qui ont intégralement conçu
« ses fondements théoriques », que ce soit au GFHATI ou au GH 2.



D'ailleurs le Colonel PUY-MONTBRUN avait parfaitement résumé ce point de vue 
dans son article
« Les Forces Aéro-Terrestres » :

« ..... La mission qui était d'observation et de réglage d'artillerie n'est plus. Il s'agit désormais de combattre ..... »
















Les premiers hélicoptères de l'armée de terre prendront leur envol en Indochine.


Ceci sera rendu réel grâce à quelques hommes : ces officiers de l'ALOA,
dont on parle le moins possible, mais qui mettront tout en oeuvre pour que
d'autres en retirent « la gloire ».


Je veux parler, en premier lieu bien sûr, du Colonel LEJAY : après avoir ordonné
la formation des tous premiers pilotes d'hélicoptères en janvier 1953, c'est à lui
que l'on confiera la tâche de former tout le personnel nécessaire, pilotes et mécaniciens,
à une première unité. Mais on ne lui donnera pas cette unité, elle sera, dans les faits,
absorbée par l'armée de l'air, et il ne la récupèrera que fin avril 1955.


Le Commandant RAZY sera chargé, par le Colonel, de « l'intendance ». C'est lui qui devra se battre 
avec Fenwick et Hélicop'Air pour les pilotes, et surtout avec la Direction du Matériel 
pour avoir des mécaniciens, car sans « Royal Cambouis » rien ne vole. 
Il ira jusqu'à ''détourner'' une promotion complète d'Enfants de Troupe pour les affecter à cette spécialité.


Avec lui, au dernier trimestre 1953, le Capitaine COFFRAND, puis le Capitaine CAPIEU,
deux ou trois Sous-Officiers et une ou deux dactylos : en somme, un état-major pléthorique
pour alimenter cette unité en gestation en personnel et matériel, sans oublier, si possible,
4 GAOA qui, eux, tournent à plein régime depuis des années et sont en complète mutation.






Sous la tutelle complète de l'Armée de l'Air, les pilotes d'hélicoptères « Terriens » prouveront,
sans difficulté, qu'ils valaient largement ceux de l'Air. Il leur arrivera de réaliser certains
sauvetages avec un esprit «commando» que n'avaient pas toujours leurs homologues.
Et il parait normal qu'ils en aient été soutenus.


Mais leurs chefs, -  dont il ne semble pas qu'ils aient eu, auparavant, une grande culture aéronautique,
ce qui en soi n'est pas un défaut, mais explique peut-être - , nous donnent l'impression d'avoir fait,
dans une apothéose, la découverte d'un univers fabuleux,complètement inconnu d'eux,
qui les conduira à ces fameux
« fondements théoriques » fondateurs de l'ALAT « moderne ».


Sans voir, ni imaginer que tout cela avait déjà été découvert et inventé bien avant eux,
ce que nous avons déjà pu constater et que nous complèterons plus loin.






 * souligné par l'auteur





  






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