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                       Le temps des Autogires

 





Dès 1920, un certain Juan de la Cierva commence à mettre au point cet engin qu'il va appeler «autogiro».
 
Le premier autogire «moderne» verra le jour en 1932.



 L'armée française ne s'intéressait pas, à cette époque, à ce type d'appareil. C'est la Marine Nationale,
la première, qui va commander un Cierva-Avro en Angleterre, à la fin de l'année 1933. Il sera livré
en février 1934 et commencera immédiatement ses tournées de démonstration qui s'avèreront manifestement
réussies puisque le  gouvernement français passera commande, en mai 1934,d'un autogire Cierva-Avro,
suivi d'une commande de cinq appareils en décembre 1934.



 Cependant, il faut se  souvenir que, le 9 février 1934, l'ancien Président de la République Gaston Doumergue
est nommé président du conseil des ministres. Or il va désigner le Maréchal PETAIN comme ministre
de la Guerre. Ce dernier n'a sûrement pas oublié que, d'une part, le 9 février 1931, il avait été nommé 
Inspecteur Général de la défense aérienne du territoire, d'autre part, ainsi qu'on l'a vu, la liaison artillerie-aviation
avait été son oeuvre pendant la guerre de 14-18.



 Peut-on en déduire que le Maréchal s'est fortement intéressé à l'autogire ?  C'est du domaine du possible,
bien que je n'en ai pas trouvé de traces si ce n'est ce rapport qu'il va demander au
Général de Division TRIBOUT, Commandant l'artillerie de la région de Paris. Ce rapport semblerait,
tout au moins en partie, accréditer cette supposition.



 On pourra le lire dans les pages qui suivent, ainsi que les prévisions d' expérimentations au profit 
de l'artillerie qui suivirent, pour en terminer par la note du Général BORIS, Directeur de l'Artillerie.







Les documents qui suivent m'ont été confiés par le Général COFFRAND. Ils avaient été « récupérés », 
en bonne partie, par le Général LEJAY lui-même.

 

 














            

 

           














Les prémices


Rapport du Général TRIBOUT au Maréchal PETAIN, Ministre de la Guerre

Lettre du Général MITTELHAUSSER

Décision du Ministre








L'expérimentation


Premier  programme de 1935

Premiers résultats

La course aux appareils

Le programme d'expérimentation de 1936









 L'autogire et l'artillerie


Expérimentation en régions  : la 7ème

Renseignements complémentaires

Diverses expérimentations

La conclusion du Général BORIS Directeur de l'Artillerie
















Et ce qu'il en advint ...





La commande des six premiers autogires Cierva-Avro sera suivie d'une première commande, en avril 1935,
de 25 appareils à la société Lioré et Olivier, qui avait acquis la licence la Cierva en janvier 1932. Ils seront livrés
entre octobre et décembre de la même année. Quatre nouveaux appareils, puis trente seront commandés en
janvier et février 1937 et tous livrés en 1938, compte tenu des nombreuses modifications apportées et répercutées
sur les premiers appareils. Les tous premiers pilotes seront formés en Angleterre, puis par Lioré et Olivier ; 
les suivants seront instruits par l'armée de l'air.



 Ces autogires seront, au départ, répartis dans les « sections d'autogire » des régiments ou escadres d'observation,
puis, à partir de début 1937, dans les GAO et GAR, Groupes Aériens d'Observation et Groupes d'Aviation Régionale.
Ces unités avaient également des avions tels que Mureaux 115/117, Potez 540, ou même d'autres appareils 
obsolètes ou « école » tels que les Morane 315.



 De 1935 à 1939, les autogires de l'armée de l'air vont participer à de très nombreuses manoeuvres pour dégager
une doctrine d'emploi « Air ». Le livre de Jacques MOULIN « Les autogires LeO C30 et C301 », extrêmement bien
documenté sur la technologie et la vie de tous les autogires français de l'armée, traite, malheureusement, ce problème
d'emploi en quelques lignes. En premier lieu, les caciques de l'armée de l'air vont prétendre que l'autogire était 
à la merci du premier chasseur venu : des essais systématiques, entre autres à la ciné-mitrailleuse, prouveront
le contraire, en particulier si l'autogire est prévenu du sol par radio de la présence de chasseurs.



 Mais la finition approximative des appareils due à une fabrication pratiquement artisanale causa de 
nombreux problèmes en formations. Le reproche principal  était le train d'atterrissage des C30, à 
course limitée, qui rendait le poser assez délicat : ceci, ajouté au manque d'entraînement et de
motivation pour l'autogire de nombreux pilotes de l'armée de l'air, désignés d'office, occasionna 
un nombre élevé d'accidents matériels. Ce train sera complètement modifié sur le C301, permettant 
même une autorotation complète,donnant alors toute satisfaction : il aurait dû être adopté sur tous les C30 
si la guerre n'était survenue à ce moment.







Jacques MOULIN résume la conclusion officielle de l'époque :


« Les militaires (de l'air je présume) essayèrent à de nombreuses reprises les diverses utilisations possibles
de l'appareil. Il n'y avait que pour les reconnaissances de l'infanterie et pour les observations d'artillerie 
que l'autogire réussit son examen. »



Evidemment, excusez du peu, quand tout ce qui vole ne doit appartenir et ne peut manifestement servir
qu'à l'armée de l'air, il est certain qu'on ne voit pas grand intérêt à l'utilisation que pourraient en faire
l'infanterie et l'artillerie.






Finalement, l'armée de l'air va vouloir se débarrasser de ses autogires.

Et pour se faire, elle va les « offrir à l'artillerie » à la déclaration de guerre en septembre 39 ...



Ceci ne manque pas d'un certain sel et d'une outrecuidance certaine quand on sait que tout une partie
 de ces autogires (était-ce les 30 de la dernière commande de février 37 ?) avait été payée
 sur les crédits de l'artillerie justement ...











Quant à l'Artillerie...

Car, comme on a pu l'entrevoir des comptes rendus et notes qui ont précédé, l'autogire va enthousiasmer 
les officiers d'artillerie, à commencer par leurs chefs.

 

Les résultats dégagés par l'armée de terre, et en particulier les artilleurs, semblent avoir été assez différents
de ceux de l'armée de l'air.




 Des manoeuvres de septembre 1937, avec essai du poste radio ER40 du Commandant DURAND,
il sera tiré les conclusions suivantes (je cite Jacques MOULIN) :

1) Pendant plusieurs jours de très mauvais temps, l'autogire a été le seul à pouvoir effectuer des missions 
aériennes et a pu effectuer toutes les missions demandées.

     2)   Pendant ces missions, il a remplacé à la fois le ballon et l'avion déficients.

     3)   Grâce à l'excellente liaison radiophonique bilatérale (portée 15 km) (et éventuellement davantage :
on a atteint 47 km) permise par le poste radio créé par le Commandant Durand, il a été possible,
l'autogire étant en l'air, de modifier les missions en cours d'exécution, ce qui a été particulièrement 
apprécié par le commandement de la guerre.

    4)   L'autogire a toujours pu atterrir à proximité du PC pour lui fournir, à pied d'oeuvre et sans délai, 
les renseignements demandés.


5)   Malgré la virtuosité particulière du pilote (Adjudant Troyes), il semble que les vols effectués 
seraient possibles dans les mêmes conditions, qui sont les conditions réelles de guerre,
avec des pilotes moyens ayant le sens de l'air (le rapport ne mentionne pas la question des bords 
d'attaque des pales, mais leur protection contre la pluie devra être résolue par LeO dès que possible).

     6)   Les missions effectuées étaient des missions de reconnaissance, d'observation de renseignement, 
et auraient compris des réglages d'artillerie en cas de guerre. Il y aurait même eu, à la suite d'une observation
de l'autogire, provocation par ce dernier d'un réglage d'artillerie.

     7)   La chasse adverse a bien tenté d'arrêter trois fois l'autogire, mais celui-ci, à chaque fois, a pris le ralenti
et s'est tellement rapproché des obstacles du sol que les chasseurs ont été considérés comme neutralisés 
(par la DCA) sans avoir réussi leur attaque.

     L'autogire n'a été neutralisé qu'une seule fois, pour s'être engagé trop loin au dessus des lignes ennemies,
ce qu'il ne doit pas faire.




 

Toujours dans sa conclusion générale Jacques MOULIN écrit :

 Les résultats furent les suivants :



Pour :

+ Possibilité d'observation par temps bouché.

+ Le vol en montagne est très facile et plus sûr qu'avec un avion.

+ L'observation en mer, près des côtes, pour le repérage des sous-marins 
et des  mines est très efficace.

+ Les autogires peuvent se poser n'importe où et souvent près des états-majors. 
Cela permet des contacts plus faciles que par téléphone depuis les terrains d'aviation.
Les autogires peuvent facilement décoller sur un terrain de vingt ou trente mètres de côté 
à condition de se placer face au vent.

+ Les autogires, dans leur rôle d'observation en restant en retrait des lignes, ne sont pas 
très faciles à abattre pour un chasseur. La défense des autogires est de se poser
immédiatement ou d'évoluer très près des obstacles et du sol. Les appareils effectuaient
leurs observations à environ 500 à 600 mètres d'altitude, très exposés aux tirs venant du sol, 
et presque hors d'atteinte par les avions de chasse.



 Contre :

- Les autogires auraient été mieux acceptés par les marins s'ils avaient pu se poser sur les bâtiments, 
le seul essai français s'est terminé par un accident et jamais aucun autre essai n'est reproduit.

- Impossibilité (du moins au début) de voler sous la pluie, la tranche des pales résistaient mal aux chocs
répétés avec les gouttes d'eau et s'usaient prématurément. Par la suite, un revêtement avec un vernis
spécial protègera les bords d'attaque des pales, avec un certain succès.
(Ceci rappellera à beaucoup
d'entre nous le scotch des pales d'Alouette II... comme quoi...)

- Le manque de possibilité de trafic radio : appareils lourds et de portée limitée en phonie. Mais ces problèmes
sont les mêmes pour les autogires que pour les avions.







 

Avec un petit peu d'imagination, je crois qu'on peut voir que nous ne sommes pas loin d'un appareil, 
pas seulement de réglage d'artillerie, mais, très certainement, d'ALAT. Il n'aurait pas pu être armé,
mais il aurait sûrement pu rendre de sacrés services à toutes les armes ... Cela fait toujours du bien de rêver ...







 
A la suite de ce «don» à l'artillerie, fut créé, début 1940, à Sommesous près de Châlons-sur-Marne,
région bien connue des artilleurs, le CIOAA, Centre d'Instruction et d'Observation Aérienne de l'Artillerie,
commandé par un artilleur, le Colonel PREVOT. Les moniteurs et mécaniciens étaient de l'armée de l'air
et vont commencer à former une trentaine de pilotes. L'un d'eux était le Sous-Lieutenant PETITJEAN,
une des figures du début de l'ALAT. Mais mai 40 fut vite là et ce fut la fin, triste fin des autogires.






Dans « Regards sur le passé » le Chef d'Escadrons JULLIARD fait dire au Général LEJAY 
qu'au début du CPOA, à Finthen, il disposait de 2 autogires. Personnellement, gamin, j'en ai vu voler un
en mai/juin 1946. Je ne sais si l'on s'en servait pour l'observation, seul le Général RAZY
serait encore capable de donner la précision. Je pense plutôt qu'ils ont dû servir à l'amusement 
des anciens pilotes d'autogire de l'armée de l'air présents avant d'être cassés.




 

Mon père écrira bien plus tard :

 « En 1948 (je crois) sur le terrain de Wackernheim (jouxtant Finthen), j'ai vu casser le dernier autogyre
(La Cierva)qui avait été ramené au CPOA. Aux commandes : je ne suis pas sûr, est-ce l'A.C. FORZY,
l'Adjt GOD
É (ou GOSSET) ? C'était un ancien pilote d'autogyre, de ces autogyres qui avaient été commandés
avant guerre par l'Artillerie – mais évidemment pilotés par l'Armée de l'Air. »




 Mon père avait approché de près les autogires en 1938, lors de son stage de perfectionnement 
d'observateur à Mailly. Bien que pilote d'avion et d'hélicoptère, il écrivait, toujours en 1989 :

 « ...Je crois toujours à l'intérêt de l'autogyre : économie, facilité d'emploi, rendement...
...en 1955, adjoint parisien au Général Commandant l'ALAT
(LEJAY), j'avais eu l'occasion
de rencontrer souvent Monsieur LEPÈRE, ancien proche collaborateur de la CIERVA
(ainsi que de Lioré et Olivier). Il aurait bien voulu reprendre les études concernant l'autogyre.
Cela m'avait beaucoup intéressé et j'avais essayé - en vain - d'intervenir à la DTIA :
les responsables ne voyaient que par l'hélicoptère... »

 





Quand on voit ce qu'à l'heure actuelle, des jeunes, et moins jeunes, font de l'autogire -dit de loisir-,
allant jusqu'à réinventer la «tête sauteuse» du LeO C302, on se dit, qu'avec les technologies actuelles,
il y aurait matière à faire là une  «Jeep» aérienne à 3 ou 4 places à la disposition de toutes les unités,
à la condition de ne pas vouloir la transformer en transport de troupe ou en char d'assaut volant.







                 

Autogires modernes



  


 
     Les photos des LeO C30 proviennent du livre de Jacques MOULIN

 




















                   
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